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Avocat au barreau de Nice

Maître Alexandre Gaspoz

Coronavirus : les loyers et ses accessoires sous le régime de la loi d’urgence sanitaire

par | Avr 5, 2020

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Quid du loyer professionnel et de ses accessoires durant la période de confinement

Maître Alexandre GASPOZ, Avocat à NICE en matière de baux professionnels et commerciaux, vous informe sur vos droits en cette période de covid-19.

Dans le cadre de la loi d’urgence sanitaire, l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 et les décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 et décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 organisent le régime du paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19.

Elle prévoit ainsi que celles-ci ne peuvent encourir de pénalités de quelque nature que ce soit, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, et reporte le paiement des loyers à la cessation de l’état d’urgence.

Par ailleurs, le non-paiement des factures de gaz, d’eau ou d’électricité pendant la période de référence ne peut pas donner lieu à une interruption de distribution et les personnes éligibles au dispositif peuvent bénéficier d’un report de leurs dettes et du rééchelonnement de leur paiement.

Ainsi, afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a prévu que le Gouvernement puisse prendre par ordonnance toute mesure « permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie » (art. 11, 1°, g).

L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19 vient en préciser les termes, mais elle est loin de régler toutes les situations et de lever toutes les incertitudes, en dépit des deux décrets qui sont venus en préciser les termes.

Les bénéficiaires du dispositif sont limitativement énumérés par l’ordonnance, qui vise, dans un premier temps, « les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 . ».

Ce fonds temporaire, abondé notamment par l’État, a pour objet le versement d’aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du Covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation.

Ses bénéficiaires sont identifiés par la combinaison du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation et du décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 relatif au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19, sur le fondement d’une dizaine de critères, applicables aux personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique (notamment un effectif inférieur ou égal à 10 salariés, un chiffre d’affaires inférieur à un million d’euros, l’absence de contrôle par une société commerciale…).

Peuvent également bénéficier du dispositif de l’ordonnance n° 2020-316 les personnes physiques et morales de droit privé « qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d’une attestation de l’un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure. ».

Cependant, les critères d’éligibilité à ce dispositif (seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires, seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la crise sanitaire) doivent encore être précisés par décret, ce qui le rend inopérant pour l’instant.

Afin de pouvoir bénéficier de ce dispositif, les personnes intéressées doivent justifier qu’elles remplissent les conditions requises en produisant une déclaration sur l’honneur attestant du respect des conditions prévues par le décret n° 2020-378 et de l’exactitude des informations déclarées. Elles doivent, en outre, présenter l’accusé-réception du dépôt de leur demande d’éligibilité au fonds de solidarité ou, lorsqu’elles ont déposé une déclaration de cessation de paiements ou sont en difficulté au sens de l’article 2, 18° du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur (JOUE n° L. 187, 26 juin 2014, p. 1), le cas échéant, une copie du dépôt de la déclaration de cessation de paiements ou du jugement d’ouverture d’une procédure collective.

Le dispositif est cependant très réducteur par rapport à ce que laissait supposer la lettre même de la loi d’urgence sanitaire, qui tend à prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique « et des associations ». Celles-ci ont disparu du champ d’application du dispositif, faute d’avoir été mentionnées par l’ordonnance 2020-316 et ses décrets d’application, alors même qu’elles peuvent connaître les mêmes difficultés et que nombre d’entre elles sont essentielles dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

Les bénéficiaires du dispositif mis en place par l’ordonnance « ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce. » (c’est-à-dire les entreprises placées sous le régime de la sauvegarde ou de la liquidation judiciaire, en cas notamment de non-continuation du paiement du bail).

Ces mesures de protection restent cependant d’application très limitées dans le temps, puisqu’elles « s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ».

Soit un délai beaucoup trop court pour espérer une reprise d’activité et un renflouement de trésorerie, dans un contexte où les personnes concernées devront non seulement acquitter les loyers désormais dus mais également procéder au rattrapage du paiement des loyers dont le versement a été suspendu, sans qu’il soit prévu d’échelonnement particulier.

L’ordonnance pêche par ailleurs par le fait qu’elle ne prévoit aucune mesure pour les bailleurs, qui ne sont pas tous des bailleurs institutionnels.

L’ordonnance n’apporte aucune réponse sur ce point, alors que de nombreux bailleurs pourront être mis en difficulté par ce paiement différé de leurs loyers.

En cas de non-paiement de leurs factures, les bénéficiaires de l’ordonnance ne peuvent se voir suspendre, interrompre ou réduire, y compris par résiliation de contrat, la fourniture d’électricité, de gaz ou d’eau.

Par ailleurs, « les fournisseurs d’électricité ne peuvent procéder au cours de la même période à une réduction de la puissance distribuée aux personnes concernées ».

Sont redevables de ces mesures « Les fournisseurs d’électricité titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 333-1 du code de l’énergie » (fournisseurs autorisés à exercer l’activité d’achat d’électricité pour revente aux consommateurs finals ou aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes).

« Les fournisseurs de gaz titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 443-1 du même code » et « Les fournisseurs et services distribuant l’eau potable pour le compte des communes compétentes au titre de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales. ».

Toutefois, si ce dispositif est d’application limitée dans le temps, de l’entrée en vigueur de l’ordonnance jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, contrairement au nouveau régime provisoire des loyers qui l’ignore curieusement, un dispositif de rééchelonnement des dettes a été mis en place.

En complément du dispositif précédent, l’ordonnance 2020-316 impose à certains fournisseurs de fluides, d’accorder, à la demande de leurs clients bénéficiaires de ce régime d’exception, et sous réserve que ces derniers attestent remplir les critères pour en bénéficier, « le report des échéances de paiement des factures exigibles entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (…) et non encore acquittées. ».

Afin d’en faciliter la mise en œuvre, « Ce report ne peut donner lieu à des pénalités financières, frais ou indemnités » à la charge de ces personnes et le paiement des échéances ainsi reportées « est réparti de manière égale sur les échéances de paiement des factures postérieures au dernier jour du mois suivant la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, sur une durée ne pouvant être inférieure à six mois. ».

Les débiteurs de cette obligation ne sont pas tout à fait les mêmes que pour le maintien de la distribution des fluides : sont ainsi concernés « les fournisseurs d’électricité titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 333-1 du code de l’énergie et les fournisseurs de gaz titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 443-1 du même code alimentant plus de 100 000 clients, les fournisseurs d’électricité qui interviennent dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, les entreprises locales de distribution définies à l’article L. 111-54 du même code » (c’est-à -dire « les sociétés d’économie mixte dans lesquelles l’État ou les collectivités locales détiennent la majorité du capital, les coopératives d’usagers et les sociétés d’intérêt collectif agricole concessionnaires de gaz ou d’électricité, ainsi que les régies constituées par les collectivités locales, existant au 9 avril 1946 et dont l’autonomie a été maintenue après cette date. ») ainsi que « les fournisseurs et services distribuant l’eau potable pour le compte des communes compétentes au titre de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales ».

Les décrets intervenus pour préciser les modalités du dispositif mis en place par l’ordonnance 2020-316 ne suffisent pas à gommer ses imperfections : oubli de structures à même d’être affectées par l’urgence sanitaire (associations), oubli d’échelonnement du paiement des arriérés de loyers lors du retour à la normal.

La loi comme les ordonnances subséquentes sont, en outre, beaucoup trop orientées vers des préoccupations de production économique, qui omettent de s’attacher au sort des victimes « collatérales » de la mauvaise santé des entreprises, affectées par des mesures de chômage partiel, voire définitif.

Or, il n’a été prévu aucune mesure concernant les baux d’habitation, ce qui implique que les loyers et charges devront être intégralement réglés à échéance, quelle que soit la situation financière des locataires, issue de cette situation si « particulière ».

Il en va de même s’agissant des dettes liées aux fluides distribués : l’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale se « contente » de prolonger jusqu’au 31 mai 2020, la trêve hivernale tant en matière d’interruption de fourniture d’électricité, de chaleur et de gaz pour cause d’impayé dans une résidence principale, qu’en matière d’expulsion (à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille).

Seule peut-être la force majeure de l’article 1218 du Code civil pourra-t-elle offrir un répit, mais sans réelle certitude et en tout cas sous réserve de pouvoir démontrer les liens de causalité requis.

Ord. n° 2020-316, 25 mars 2020 : JO 26 mars 2020 ; D. n° 2020-371, 30 mars 2020 : JO 31 mars 2020 ; D. n° 2020-378, 31 mars 2020 : JO 1er avr. 2020

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