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Avocat au barreau de Nice

Maître Alexandre Gaspoz

Actualités sur la responsabilité après un virement vers une société frauduleuse de cryptomonnaie

par | Juil 31, 2025

Maître Alexandre GASPOZ, Avocat en droit bancaire sur NICE et l’ensemble du territoire national, vous assiste et vous défends en matière d’escroquerie financière.

La cour d’appel de Paris a été saisie d’un litige entre un client, victime d’escroquerie, et la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel à la suite d’un jugement rendu le 29 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Paris.

Dans les faits, un client de la banque a été victime d’escroquerie après avoir effectué un virement d’un montant de 30 000 euros à la société Crypto Facilities Ltd, spécialisée dans la gestion de cryptomonnaie.

Cependant ladite société était rattachée à une société se livrant à des escroqueries à grande échelle. Lorsque le client demanda la restitution de ses fonds auprès de la société de cryptomonnaie, celle-ci lui réclame 85 000 supplémentaires afin de débloquer les fonds.

Dès lors, le client de la banque a mis en demeure la banque de lui rembourser la somme de 30 000 euros invoquant un manquement à l’obligation de vigilance, de contrôle et d’information. Mais la banque s’étant abstenue de toute réponse, le client l’a alors assigné en justice.

En l’espèce, le client ne peut invoquer un manquement au devoir général de vigilance de la part de la banque, celle-ci intervenant en qualité que teneur de compte et non en tant que conseiller en investissement. De ce fait, le client ne saurait reprocher à la banque un tel manquement. De surcroit, la Caisse régionale de crédit agricole mutuelle n’est pas autorisée à procéder à des investigations particulières en raison du principe de non-ingérence. Par ce principe, la banque n’étais pas tenue de s’immiscer au sein des affaires du client, ayant réalisé le virement de manière volontaire.

Par ailleurs, aucun élément manifeste ni aucune anomalie ne permettait à la banque de suspecter une quelconque fraude contre le client. En effet, le virement a été réalisé vers la Pologne, soit dans un Etat membre de l’Union européenne, n’étant pas signalé comme un Etat à risque en matière d’investissement. Dès lors, le caractère international des opérations apparait insuffisant pour caractériser un manquement au devoir de vigilance de la banque. Aussi, le recours par certaines banques à des alertes en cas d’opérations inhabituelles ne constitue pas l’établissement d’une norme juridique, et leur absence ne peut être reprochée à une autre banque.

L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris souligne ainsi les limites du devoir de vigilance bancaire, en le rapprochant avec le principe de non-ingérence. La banque, dans son rôle de teneur de compte, ne saurait être tenue responsable des choix financiers opérés par son client, même s’il est victime d’escroquerie.

Par ailleurs, il semble judicieux de rapprocher cet arrêt d’un autre rendu par la Cour d’appel de Paris le 28 mai 2025.

Dans les faits un client a effectué trois virements importants dans la même journée au profit d’une société de cryptomonnaie. N’ayant jamais récupéré les sommes et, s’estimant victime d’escroquerie, il a assigné sa banque, le Crédit Agricole, pour manquement à son obligation de vigilance.

La cour rappelle que la banque, tenue par une obligation de non-ingérence, n’a pas a procéder à des investigations dès lors que les opérations ont une apparence de régularité. Ce principe est toutefois nuancé par le devoir de vigilance de l’établissement bancaire, qui pose une limite au principe de non-immixtion. La banque reste tenue d’intervenir en présence d’anomalies apparentes, qu’elles portent sur la nature de l’opération ou le fonctionnement du compte.

En l’espèce, le fonctionnement du compte n’a pu servir de fondement par le client, les virements litigieux ne présentant aucune anomalie apparente. Toutefois, concernant la nature de l’opération, la banque n’a pas pris en considération le fait que celle-ci était libellée à une adresse électronique figurant, depuis la veille, sur la liste noire de l’Autorité des marchés financiers au titre d’une usurpation. La cour retient ainsi un manquement de la banque à l’obligation de vigilance et la condamne partiellement à verser une indemnisation de 21 000 euros à la victime, au titre de la perte de chance d’éviter le dommage.

Ces deux arrêts s’inscrivent dans une lignée jurisprudentielle abondante et nuancée relative au devoir de vigilance des banques ainsi qu’à leur responsabilité. Ils soulignent la limite du principe de non-ingérence dans l’obligation de vigilance qui incombe aux établissements de crédit prestataires de services de paiement. En effet selon le principe de non-immixtion, le prestataire n’a pas à effectuer des recherches, ou à réclamer des justifications afin de s’assurer que les opérations réalisées ne sont pas frauduleuses.

En outre, ces deux principes sont complémentaires puisque le devoir de vigilance de la banque prime en présence d’anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle dont le client doit nécessairement être informé.

Cour d’appel de Paris 4 Juin 2025,, Pôle 5, chambre 6, n° 23/09176

Maître Alexandre GASPOZ, Avocat sur NICE et les Alpes maritimes, vous défend en tant que victime d’escroquerie en matière de trading.

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