Maître Alexandre GASPOZ, Avocat en droit du travail à NICE, vous conseille et vous défend en cas de licenciement.
Comment réagir quand le salarié ne se présente plus au travail et ne justifie pas son absence ?
Auparavant, l’employeur était souvent contraint d’engager une procédure disciplinaire pour absence injustifiée pouvant conduire à un licenciement pour faute.
Aujourd’hui, le code du travail prévoit dorénavant une présomption de démission après mise en demeure par l’employeur restée infructueuse ; cependant, la pratique nous apprend que toutes les entreprises ne s’aventurent pas dans cette voie jugée risquée. Le salarié peut alors saisir les juridictions prud’homales d’une demande de résiliation judiciaire, ou encore de statuer sur les conséquences d’une prise d’acte de rupture.
Mais il se peut encore que le salarié n’ait pas de grief particulier à opposer à l’employeur et que sa demande le conduise à demander le constat d’un licenciement verbal. Le juge doit-il en ce cas nécessairement constater la rupture et trancher quant à son imputabilité ? La chambre sociale de la Cour de cassation est venue apporter une réponse affirmative par un arrêt du 18 septembre 2024.
En l’espèce, un salarié en qualité de chef de cuisine qui ne se présentait plus au travail s’était vu demander de justifier de son absence et de réintégrer son poste.
Puis, soutenant avoir fait l’objet d’un licenciement verbal, l’intéressé a saisi la juridiction prud’homale. L’employeur soutenait quant à lui à titre principal que le salarié avait démissionné et à titre subsidiaire qu’il avait pris acte de la rupture, imputant la responsabilité de celle-ci au salarié.
Le salarié a été débouté de ses demandes par les juges du fond, estimant qu’il ne résultait pas des pièces versées aux débats que le contrat de travail aurait été rompu, quand l’employeur et le salarié étaient d’accord pour admettre que le contrat de travail avait été rompu le conduisant à former un pourvoi en cassation.
La Haute Juridiction va, au visa de l’article 12 du code de procédure civile, casser l’arrêt d’appel.
La nécessaire qualification de la rupture par le juge
L’article 12 du code de procédure civile prévoit en effet que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Or en l’espèce, la cour d’appel, considérant que le salarié n’avait pas manifesté une intention claire et non équivoque de démissionner, pas plus que l’employeur ait entendu rompre le contrat de travail du salarié ou même ait considéré que le contrat de travail était rompu du fait du salarié, n’avait pas constaté de rupture contractuelle, ni imputé par conséquent celle-ci à aucune des parties.
L’éminente juridiction va toutefois considérer que les constatations faites par les juges du fond devaient les mener à admettre le contrat comme rompu et, dans la mesure où chacune des parties imputant à l’autre la responsabilité de cette rupture, le juge se devait de dire à qui cette rupture était imputable et en tirer les conséquences juridiques.
Cette décision s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence antérieure relative à l’office du juge en matière de licenciement. Il est en effet jugé que « même si le moyen tiré du défaut de motivation de la lettre de licenciement n’a pas été soulevé par le salarié devant les juges du fond, il est nécessairement dans le débat » (Soc. 26 mai 1999, n° 97-40.803).
Il est en effet généralement établi que le juge doit donner aux faits qui lui sont soumis la qualification juridique qu’ils comportent (Soc. 1er déc. 1971, n° 70-13.065).
Saisi d’une demande tendant à tirer les conséquences de la rupture du contrat, le juge ne peut soutenir pour se défausser qu’aucune des parties n’a rompu la relation contractuelle, alors même que celle-ci peut être interrompue de manière unilatérale.
Quelle option s’offre alors à lui lorsque le salarié invoque un licenciement verbal et que dans le même temps l’employeur considère n’avoir jamais rompu le contrat ?
La nouvelle disposition sur la présomption de démission (C. trav., art. L. 1237-1-1 issu de la loi n° 2022-1598 du 21 déc. 2022, complété par l’art. R. 1237-13) devrait réduire les chances de réalisation de cette hypothèse, elle ne l’élimine pas entièrement en cas d’inertie par l’employeur.
Aussi, et si le salarié n’a pas exprimé de façon claire sa volonté de rompre le contrat à l’employeur, il paraîtra opportun – sauf lorsque l’existence d’une rupture unilatérale par l’employeur est prouvée par le salarié – que la demande adressée par ce dernier au juge emprunte la qualification de demande de résiliation judiciaire. La difficulté viendra alors de l’identification des griefs imputés à l’employeur à cette occasion, qui viendront alors conditionner les conséquences juridiques de la rupture, alors constatée par le juge, faute d’avoir été formalisée antérieurement par les parties.
(Cass. soc. 18 sept. 2024, F-B, n° 23-13.069)
Maître Alexandre GASPOZ, Avocat en droit social à NICE, vous assiste et vous conseille en cas de litige dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.