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Avocat au barreau de Nice

Maître Alexandre Gaspoz

La conventionnalité du barème MACRON mise à rude épreuve en cas de licenciement

par | Mar 15, 2019

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Plusieurs Conseils de prud’hommes refusent d’appliquer le barème d’indemnisation prévu à l’article L 1235-3 du Code du travail

Le barème d’indemnisation posé à l’article L 1235-3 du Code du travail pose des difficultés d’application.

Ainsi, si certains Conseils de prud’hommes considèrent que le barème permet une réparation intégrale du préjudice subi par le salarié du fait de son licenciement, plusieurs conseils font de la résistance et refusent d’appliquer le barème.

Ils considèrent en effet que le barème ne permet pas de réparer intégralement le préjudice lié à la rupture injustifiée du contrat de travail.

La question qui se pose est celle de savoir si le barème d’indemnisation prévu par l’article L 1235-3 du Code du travail est conforme à l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT et à l’article 24 de la Charte sociale européenne qui consacrent toutes deux le droit à « une indemnité adéquate et une réparation appropriée en cas de licenciement ».

A ce jour, 7 Conseils de prud’hommes ont considéré que le barème d’indemnisation était contraire aux dispositions internationales et européennes et ne permettait pas une indemnisation adéquate et une réparation appropriée dans le cadre d’un licenciement :

– Le Conseil de prud’hommes de TROYES par jugement du 13 décembre 2018
– Le Conseil de prud’hommes d’AMIENS par jugement du 19 décembre 2018
– Le Conseil de prud’hommes de LYON par jugement du 21 décembre 2018
– Le Conseil de prud’hommes de LYON par jugement du 7 janvier 2019
– Le Conseil de prud’hommes d’ANGERS par jugement du 17 janvier 2019
– Le Conseil de prud’hommes de GRENOBLE par jugement du 18 janvier 2019
– Le Conseil de prud’hommes d’AGEN par jugement du 5 février 2019

Pour rappel, les Conseils de prud’hommes sont des juridictions paritaires composées de deux conseillers salariés et de deux conseillers employeurs.

Aucun magistrat professionnel ne compose, normalement, ces juridictions.

Néanmoins, le Conseil de prud’hommes peut décider de renvoyer l’affaire en audience de départage. Dans ce cas, un juge départiteur, magistrat professionnel, siège au Conseil.

C’est la raison pour laquelle la décision du 5 février 2019 est particulièrement intéressante en ce que, pour la première fois, un magistrat professionnel a jugé que le barème d’indemnisation n’était pas conforme aux dispositions internationales et européennes :

« En vue d’obtenir la réparation intégrale du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail par la faute de son employeur, Mme X sollicite que soit déclaré inapplicable le plafond de l’article L 1235-3 du Code du travail en raison de son inconventionnalité, notamment avec l’article 10 de la Convention n° 158 de l’O.I.T sur le licenciement, ratifié par la France le 16 mars 1989, qui dispose que si les tribunaux arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié et qu’ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Elle invoque également l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la FRANCE le 7 mai 1999, ayant valeur de traité international, qui dispose que les parties s’engagent à reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

En l’espèce, il apparaît que la SARL Y employait habituellement moins de 11 salariés et que Mme. X avait une ancienneté dans l’entreprise inférieure à 2 années au moment de la rupture de son contrat de travail, de sorte qu’elle ne pourrait prétendre selon l’article L 1235-3 du Code du travail qu’à une indemnité comprise entre 0,5 mois et 2 mois de salaire brut, malgré les circonstances de la rupture de son contrat de travail et le préjudice moral et économique qu’elle a subi.

Il en résulte que le barème établi par l’article L 1235-3 du Code du travail ne permet pas dans tous les cas une indemnité adéquate ou une réparation appropriée, ne prévoyant pas des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par le salarié.

Il sera au surplus observé que les exceptions au plafonnement énumérées à l’article L 1235-3-1 du Code du travail ne concernant que les cas de discrimination ou de harcèlement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

L’application des dispositions de l’article L 1235-3 du Code du travail sera en conséquence écartée et il sera alloué à Mme X la somme de 3 045,12 €, correspondant à 4 mois de salaires, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. »

Par ailleurs, deux Syndicats ont déposé des réclamations près du Conseil de l’Europe afin que ce dernier constate que le barème d’indemnisation prévu à l’article L 1235-3 du Code du travail viole l’article 24 de la Charte Sociale Européenne (Réclamation n° 175/2019 du Syndicat CFDT de la métallurgie de la Meuse et Réclamation n° 176/2019 de l’Union Syndicale Solidaire SDIS).

La décision du Conseil de l’Europe devrait déjà, dans un premier temps, permettre aux Conseils de prud’hommes de prendre une position plus certaine quant à l’application ou non du barème.

Il doit cependant être précisé que le 26 février, le directeur des affaires civiles et du sceau, agissant au nom de la ministre de la Justice Nicole BELLOUBET, a demandé aux procureurs d’identifier dans chaque Cour d’appel les décisions prud’homales qui n’ont pas respecté le barème d’indemnisation en première instance :

« Afin de disposer d’éléments sur ces contentieux, je vous saurai gré de bien bouloir m’informer des décisions rendues dans votre ressort ayant écarté le moyen d’inconventionnalité des dispositions indemnitaires fixées par l’article L 1235-3 précité ainsi que des décisions ayant, au contraire, retenu cette inconventionnalité.

Sans attendre cette transmission, vous voudrez bien vous faire communiquer celles de ces décisions ayant fait l’objet d’un appel, afin de pouvoir intervenir en qualité de partie jointe pour faire connaître l’avis du parquet général sur cette question d’application de la loi en application de l’article 426 du Code de procédure civile et me tenir informé. »

Il semble que le parquet général souhaite intervenir dans les procédures d’appel pour rappeler quelles ont été les décisions prises par le Conseil constitutionnel le 21 mars 2018 et par le Conseil d’Etat le 7 décembre 2017…

Il faut désormais attendre les décisions qui seront prises par la Cour d’appel puis par la Cour de cassation pour connaître le sort de l’application du barème en France, même si la position actuelle du Gouvernement et celle du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat laissent planer peu de doute quant aux décisions à venir.

Jugement du Conseil de prud’hommes d’AGEN du 5 février 2019, n° F 18/00049 Section Industrie

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