Maître Alexandre GASPOZ, Avocat en droit des sociétés à NICE, vous informe sur la nature de vos droits en tant qu’associé d’une société civile. Dans cette affaire, une SCI avait été constituée par deux concubins à des finalités patrimoniales et d’habitation. En effet, les immeubles acquis par la SCI devaient être mis en location selon bail commercial, et une partie des immeubles devait, après réalisation de travaux d’aménagement, accueillir le foyer des associés, tous deux désignés co-gérants. Toutefois, six mois plus tard, avant même avoir pu emménager, les deux associés se séparent.
L’un des associés entend faire valoir son droit de retrait de la société.
Son coassocié s’y oppose en premier lieu en invoquant une fin de non-recevoir tirée du non-respect de la procédure statutaire applicable. Les statuts prévoyaient en effet que la demande de retrait devait être notifiée par lettre recommandée avec avis de réception ou lettre simple remise contre récépissé. Or, dans un premier temps la demande avait été formulée par courrier électronique, contenant également des propositions financières. La cour souligne que la demande a par la suite été formulée conformément aux modalités prévues par les statuts, et qu’en tout état, les statuts ne sanctionnaient pas le non-respect de ce formalisme. En outre, les statuts prévoyaient également la faculté de solliciter le retrait pour justes motifs par décision de justice, sans exiger comme préalable, l’envoi d’un courrier recommandé avec avis de réception. La fin de non-recevoir écartée, la Cour se penche sur les conditions d’un retrait pour justes motifs. La Cour précise au préalable que la notion de justes motifs de retrait prévue par l’article 1869 du Code civil doit être distinguée de la même notion de justes motifs permettant de solliciter la dissolution de la société, conformément aux dispositions de l’article 1844-7 du Code civil . En effet, dans le cadre d’une demande de retrait, la notion s’apprécie de façon subjective en considération de la situation personnelle de l’associé requérant. Cette notion qui a pour objectif de ne pas laisser un associé prisonnier de sa situation, doit également conduire à éviter une dissolution de la société. La Cour note en premier lieu que la séparation du couple a fait disparaître l’affectio societatis, comme le révèle au demeurant la mésentente transpirant des échanges entre les parties. Dans ces conditions, la poursuite tant de l’association que de la cogérance devenait impossible dans des conditions satisfaisantes. Il en était d’autant plus ainsi que l’associé majoritaire ne convoquait pas les assemblées générales et assumait, de facto, seul la gérance non sans critiques argumentées de l’associé retrayant. La Cour, à la suite du premier, juge, estime que le juste motif de retrait se trouve ainsi suffisamment caractérisé et fait droit à la demande du minoritaire. Dans le prolongement, il est également fait droit à la demande de remboursement du compte courant de l’associé du retrayant, dans la mesure ou en l’absence de stipulation contraire, ce droit peut être exercé à tout moment. CA Douai, 12 mars 2020, n° 18/02234